« Pierre m’avait prévenue : au moment où les mécaniciens quittent la piste avant le départ, on se sent très seul. » Pierre, c’est Pierre Parsus, la cheville ouvrière du Team Bejuit Racing Truck et pilote de l’autre camion (Renault Trucks Premium #69) du lycée automobile de Bron, ce projet qui réunit, en dehors des heures de cours, des enseignants bénévoles et une douzaine d’élèves aussi passionnés les uns que les autres par les camions de course.

Lorsque Céline Miral a inauguré sa licence fin avril, au Castellet, à 45 ans, elle avait conduit le camion dans l’enceinte du lycée, mais n’a passé les grandes vitesses que le jeudi matin, juste avant le départ pour le circuit. Quant aux demi-vitesses, elle les a découvertes lors des essais sur le Paul Ricard ! Autant dire qu’elle a eu son content de sensations fortes. « J’ai adoré, confie-t-elle les yeux brillants. Je ne suis pas encore très à l’aise dans le trafic très dense mais, heureusement, partie dernière, je ne me suis pas retrouvée au cœur de la meute. »

Depuis avril, pas de courses ni de pilotage sur circuit, mais un mois de juillet consacré à refaire entièrement le moteur du second camion. Tombée dans les moteurs dès l’enfance, en bricolant la voiture familiale avec son père, ingénieur et passionné de mécanique, elle est encore davantage dans son élément à l’atelier qu’en piste. Son poste de prédilection parmi ceux qu'elle a occupés au Centre Porsche de Toulouse où elle a travaillé tous les étés pendant 17 ans était celui de magasinier.

C’est ce qui l’a conduite, après des débuts professionnels dans l’enseignement de l’usinage de pièces, à rejoindre l’équipe du lycée automobile de Bron en tant que professeur de construction mécanique (dessin industriel et mécanique générale, précisément).

Arrivée en 2017, elle n’a pas tardé à intégrer le Team Bejuit Racing Truck. « J’ai touché un peu à tout, du secrétariat à la mécanique. » Et puis, le second camion du team, réparé après quelques années de pause, s’est trouvé disponible. Forte d’une petite expérience de pilotage sur circuit à bord d’une voiture, elle s’est proposée. Face à un autre postulant plus récemment arrivé dans l’association, c’est l’engagement dans la durée qui a fait la différence en sa faveur. « On demande aux élèves de beaucoup s'investir, la moindre des choses est d'en faire autant. Mais cela représente beaucoup de travail. Pierre Parsus, qui est à la retraite, y passe plus d'heures que s'il était salarié. Quant à moi j'y consacre tout mon temps libre. » Dans le box, la bonne humeur qui règne n'exclut ni le sérieux du travail ni le respect. Les jeunes mécaniciens l'appellent « madame », même dans le feu de l'action... L'engagement, donc, « et peut-être aussi le fait que je sois une femme. C’est un avantage sur le plan de la communication ». Et de l’exemple, puisque, parmi les élèves, des filles entrées en seconde cette année ont manifesté l’envie de rejoindre l’équipe de mécaniciens du team. 

« Comme le dit Jennifer Janiec, une fois qu’on a le casque sur la tête, on est des pilotes comme les autres. Je ne vois rien qui empêche les femmes de rivaliser avec les hommes dans ce sport. La puissance du camion joue un rôle bien plus déterminant dans la performance. En tout cas, le siège est à ma taille et je suis bien accrochée à mon volant ; je ne compte pas le lâcher de sitôt ! »